1) Paul NICOLAS (1875-1952)
1.1 La rencontre
Il y a quelques années, la rencontre avec Florence Nicolas, petite fille du maître-verrier Paul Nicolas (1875-1952) m’a permis de mieux comprendre l’itinéraire de ce lorrain né dans les Vosges à Laval devant Bruyères.
Florence a le même regard que son grand-père, clair, puissant et sincère.
Des qualités que l’on retrouve chez ce passionné de botanique, élève d’Emile Gallé (1846-1904), dont les œuvres proches de la qualité de celles produites par le chef de file de l’Ecole de Nancy, ne sont pas assez connu du grand public.
1.2 L’enfance
Paul est très lié avec son frère Emile (1871-1940) qui deviendra critique d’art et journaliste.
Il sera également un des fondateurs de l’Ecole de Nancy.
Leur père Jean-Pierre (1845-1911) est d’origine russe et jardinier. Il plantera un bon nombre d’arbres du parc Sainte Marie à Nancy, où il fut employé. Paul est très intelligent, d’une grande moralité et ambitieux.
1.3 Sa formation
Il fera ses études primaires à Laxou puis Nancy. Il est bon élève, en particulier en chimie, physique, sciences naturelles, allemand, musique et surtout en dessin ….
Paul Nicolas entre à l’âge de 15 ans à l’école des Beaux-Arts de Nancy et en sort avec un diplôme section « architecture ». Mais c’est le dessin qui le passionne.
1.4 Sa relation particulière avec son frère
La relation entre les deux frères est fusionnelle. Ils ont la même passion pour la botanique. Ils sont frères intellectuels autant que frères de sang, en se soutenant tout au long de leur vie.
1.5. La vie privée de Paul Nicolas
Il rencontre Madeleine Lantche dans les années 1890 : une jeune fille avec une superbe chevelure blonde-rousse et des yeux très bleus.
Le coup de foudre est immédiat. Paul renoncera, à la demande des parents de Madeleine, à la franc-maçonnerie où il y était Maître, la mort dans l’âme.
Ils se marieront à l’église … en 1905, alors qu’il est maire de Laxou.
De leur union naitra Paul (8.01.1907) et Jean (15.05.1911). En 1908, il quitte Laxou pour s’installer au 80 rue de Laxou à Nancy dans le quartier Sacré Cœur.
Puis en 1909, il fera l’acquisition d’un maison au 64 rue de la République à Nancy où il installera son atelier.
1.6 L’engagement politique
Il est engagé politiquement comme radical-socialiste.
En 1903, Paul Nicolas devient le plus jeune maire de France à 28 ans, en étant élu à Laxou dans la banlieue de Nancy.
Il le sera de nouveau en 1904 à une large majorité et à chaque fois recevra de nombreuses félicitations de tous les artistes de Nancy dont son ami Emile Gallé.
Durant tous ses mandats, les relations avec les autorités diocésaines, l’hôpital psychiatrique de sa commune et le département seront difficiles, car il défend avec acharnement les intérêts de sa ville.
Il démissionne de son mandat de maire, mais restera conseiller municipal jusqu’en 1908. Pendant toute sa vie il sera membre de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen.
2) L’œuvre de Paul Nicolas
2.1 Une carrière riche en rencontre
Passionné de botanique, il sera un excellent dessinateur et aquarelliste.
Ses peintures sont très minutieuses dans leur exécution.
Sa rencontre avec Emile Gallé, lui ouvrira les portes du monde de l’art verrier.
Pendant sa longue carrière, Paul Nicolas a su s’adapter aux changements de goût, de style, de technique.
La création de son propre atelier à Nancy lui permit de produire des pièces avec des décors en lien avec la nature, mais aussi très variés. C’est une performance pour un artiste qui travaillait pratiquement seul.
2.2 La rencontre avec Emile Gallé
En 1893, Paul Nicolas sort de l’Ecole des Beaux-Arts de Nancy avec un diplôme dans la section « architecture ».
Il se présente chez l’architecte nancéen Charles André comme commis … il s’ennuie.
C’est à la vue d’une annonce parue dans la presse par Emile Gallé, qu’il est embauché de suite à la manufacture de la rue de la Garenne.
Initié aux métiers de dessinateur, décorateur sur verre puis maître-verrier, il se liera d’amitié avec le Maître. Ainsi, il fréquentera avec son frère les cercles intellectuels, culturels et artistiques grâce à Emile Gallé.
Il restera 26 ans aux établissements Gallé (1893-1919).
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2.3 Les années Gallé
Il va acquérir une formation complète pendant toutes les années passées dans les ateliers Gallé.
Il occupe d’abord le poste de décorateur, dessinateur et vernisseur, puis acquière des compétences dans les techniques de décoration sur verre et graveur sur cristaux en créant des décors floraux.
En 1896, il intègre l’armée pendant 2 années pour effectuer son service militaire. De retour à la manufacture, les liens entre Emile Gallé et lui ne cessent de croître.
Il se voit la tâche de préparer des pièces pour l’Exposition Universelle de 1900. En 1904, Emile Gallé meurt.
En 1914, il cesse ses activités pour rejoindre l’armée pendant 5 ans. Démobilisé en 1919, il retourne aux établissements Gallé qui sont dirigés alors par Paul Perdrizet (gendre de Gallé).
Leur désaccord avec ce dernier, le fera quitter la manufacture en 1919.
2.4 Création de son propre atelier
Suite à son départ des Etablissements Gallé, il crée son propre atelier qu’il installera au 64 rue de la République à Nancy, dans son lieu de résidence.
Il transforme le rez-de-chaussée en local professionnel.
Il s’associe avec Pierre Mercier, Eugène Windeck et Emile Villermaux sous l’appellation « Les Graveurs réunis ».
Des ouvriers de la manufacture de l’avenue de la Garenne, rejoindront cette structure qui prendra fin en 1923.
L’atelier poursuit son activité sous contrat avec les cristalleries de Saint Louis avec une douzaine d’employés.
La crise de 1929 se fait ressentir, mais les productions de l’atelier seront fécondes et variées jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
3) Productions et succès de Paul Nicolas
3.1 Les différentes signatures
Pendant le quatre années de production, Paul Nicolas signe sous le pseudonyme « d’Argental ».
Il fait référence au lieu même de production, à Münzthal : la vallée de l’argent.
C’est une sorte de traduction ou de dérivé du nom d’origine du village investit par les verriers de Holbach en 1586.
La signature « d’Argental » permet de distinguer les pièces de style Art Nouveau des autres pièces, car les articles fantaisies sont nombreux et seront encore produits après 1930 dans un style Art Déco.
Ils portent alors une autre signature : simplement « Saint-Louis » ou même sans signature.
Il reste aujourd’hui un mystère autour de cette autographe.
En effet, il y a deux signatures utilisées simultanément pour les articles de style Art Nouveau : « d’Argental » et « d’Argental ‡ » (Croix de Lorraine).
On trouve également des pièces signées : « P. Nicolas Villermaux », « Art Verrier SL », « Art Verrier StL », et « Nicolas-Windeck ».
Par l’observation des différentes pièces confondues, on note que la signature suivie de la croix de Lorraine apparaît à partir de 1923, ce qui coïncide avec la rupture de l’association de Paul Nicolas avec Mercier, Windeck et Villermaux.
Cette signature va être utilisée à peu près jusqu’à la fin de la collaboration entre Nicolas et les cristalleries de Saint Louis.
3.2 Un travailleur infatigable
Paul Nicolas exercera son art jusqu’à la fin de sa vie.
Le 21 février 1952, alors qu’il est en train de réaliser un nouveau vase à décor de poissons, il décède à l’âge de 77 ans.
3.3 Une reconnaissance de la profession et du public
Son travail et sa créativité sont reconnus par de nombreux artistiques contemporains : Emile Gallé, Amalric Walter, Antonin Daum et Victor Prouvé.
Ces pièces sont vendus bien au-delà de la région. Il participe à de nombreux évènements artistiques tout au long de sa carrière. Paul Nicolas recevra de nombreux récompenses et distinctions, dont la Médaille du « Meilleur Ouvrier de France » en 1936.
3.4 Le succès en salle des ventes
Paul Nicolas est un artiste connu et reconnu.
Il est associé à Emile Gallé, ce qui compte pour la cotation d’un artiste.
Ces pièces sont recherchées et peuvent atteindre des montants se situant entre 400 € et 1 500 € pour celles de taille importante et en parfaite état.
4) Quelques anecdotes sur Paul Nicolas
4.1 Il était franc-maçon avant d’y renoncer par amour
André Nicolas a été franc-maçon.
Son engagement dans cette confrérie, le pousse à décorer une loge maçonnique.
Il présidait lui-même une loge. Pour pouvoir se marier avec Madeleine, les parents de sa future épouse ont posé la condition qu’il quitte la franc-maçonnerie pour s’unir avec leur fille.
4.2 La loge de saint Jean de Jérusalem
C’est dans la loge saint Jean de Jérusalem de Nancy, située près de la porte saint Georges, que l’on retrouve des réalisations de Paul Nicolas.
En effet, au 1er étage, le plafond appelé « voûte étoilée » est orné de vitraux réalisés par l’élève d’Émile Gallé, représentant les signes zodiacaux en alternance avec des représentations de scarabées. Ils ont été réalisés entre 1899 et 1908. L’ensemble a été restauré en 2016.
4.3 Son dernier vase … des poissons
Paul Nicolas est âgé de 75 ans et souhaite prendre sa retraite. Les démarches qu’il entretient ne lui permettent pas d’obtenir ce statut. Toutefois, le jour où il reçoit la lettre d’acceptation de sa retraite, il décède en train de travailler sur un vase émaillé à décor de poissons. Nous sommes le 21 février 1952.
4.4 Qui a désigné Paul Nicolas « élève d’Emile Gallé »
C’est Antonin Daum qui en 1926 lors d’une conférence, a désigné Paul Nicolas « Elève d’Emile Gallé ». Un joli compliment, venu de la concurrence de l’époque.
5°) Ouvrage sur Paul Nicolas
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Christophe Garland est un passionné de l’art verrier, retrouvez ses articles sur son blog – leverreetlecristal.wordpress.com