Aujourd'hui, nous vous proposons un retour 500 ans en arrière. Saviez-vous que les premiers verriers étaient nomades, voyageant au grès des ressources, au coeur des forêts ? Aujourd'hui, le métier de verrier a bien évolué. Voici son histoire au fil des siècles.
La verrerie, un art ancestral qui fait la fierté de la Lorraine
Selon les découvertes archéologiques, le verre est né en Mésopotamie il y a plus de 4000 ans.
Cet art ancestral est jalonné par différentes innovations techniques qui ont permis d’atteindre une excellence, tant au niveau de la pureté de la matière que par le savoir-faire et l’agilité de nos maîtres verriers.
Les premiers objets en verre étaient des perles. Ces petits morceaux de verre, de toutes formes et de différentes couleurs, avaient une grande valeur.
Certaines ont participé au négoce de l’ivoire, de l’argent, et même de l’or ! Elles ont joué un rôle important dans l’expansion coloniale européenne.
Certaines de ces perles antiques habillent nos bracelets sur cordon, d’autres sont plus contemporaines et sablées par notre verrier en Lorraine !
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Quoi qu’il en soit, on raconte souvent que l’histoire des prémices de l’art verrier vient d’une légende, romancée par Pline l’Ancien (écrivain latin).
Des marchands venant tout droit de Phénicie amarrèrent un soir sur une plage abandonnée. Lors de la préparation de leur repas, l’un des marins prit des pains de nitre afin de surélever la marmite du sable de la plage.
À la fin du repas, ils découvrirent un mélange visqueux, rouge, c’était le verre en fusion !
Nous avons également que vingt siècles avant notre ère, les égyptiens savaient déjà produire des pâtes de verres multicolores pour la réalisation de magnifiques bijoux.
Ce n’est pas tout :
L’art verrier s’épanouit tour à tour en Orient et Occident. Damas sera un haut lieu du verre, puis ce sera au tour de Venise et son verre fabriqué sur la petite île de Murano.
La qualité de travail des verriers de Bohême, riche d’une longue expérience de tailleur de pierre, va ensuite surpasser toutes les autres verreries.
Au XVIIe siècle, la découverte du cristal par les Anglais redistribue les cartes. Enfin, Saint-Louis sera la première verrerie d’Europe continentale à mettre en place la formule du cristal.
Depuis ce jour, la France est fière de compter parmi ses rangs les meilleurs verriers au monde, ainsi que les plus illustres cristalleries.
À lire aussi : notre guide des plus belles cristalleries de Lorraine.
La vie de verrier au Moyen Âge
Selon la documentation à disposition, nous constatons la présence de verreries sur le territoire lorrain dès 1373.
Cette période coincide avec celle des premières vitres aux fenêtres. Le maître verrier du Moyen Âge était pauvre, mal vêtus et avait généralement une famille nombreuse.
La vie était rude, le verrier du Moyen âge travaillait 12 heures par jour, six jours semaine. Le savoir-faire se transmettait de père en fils, comme c’est encore le cas aujourd’hui (nous découvrirons les différentes formations de verrier en fin d’article).
Le verrier était polyvalent, accomplissant toutes les tâches en amont et aval de la production :
- Cueillette des fougères
- Empaquetage
- Enfournage
- Travail de la matière jusqu’au produit fini
Des artisans de verre nomades, homme des bois
Le verrier était nomade, dépendant d’une ressource indispensable : le bois.
Ainsi, le maître verrier et sa famille s’installaient à proximité de grandes forêts verdoyantes. Il construisait dans la clairière proche son habitation (les houlettes, des sortes de huttes en bois) et ses différents entrepôts afin de protéger le four et stocker le bois, essentiellement du chêne et du hêtre.
Les premiers fours verriers, objets de toute l’attention
Le four était le centre de toutes les attentions. Il fallait porter la matière visqueuse à plus de 1300-1400°C, et maintenir cette température constante !
Imaginez la difficulté de l’opération, et le bois nécessaire à son alimentation : les fours étaient en activités pendant 12 à 15 mois, sans aucune interruption.
Le four du verrier du Moyen Âge était constitué de deux parties, en argile réfractaire cuite.
- La partie du bas recevait le bois
- Celle du haut recevait les “pots” contenant la matière en fusion.
Le verrier déménageait tous les douze à quinze mois, une fois les ressources en bois épuisées.
Mais pourquoi ?
Le calcul était simple. Le coût du transport du bois était bien supérieur à celui de la construction de nouvelles habitations.
Cette contrainte était toujours étudiée en amont de l’établissement d’une verrerie.
Ce fut le cas de la cristallerie de Baccarat, installée près de la Meurthe, permettant d’acheminer le bois par flottage.
Du XVe siècle au XIXe siècle, le bois occupa une place prépondérante dans l’économie de chaque pays. La plupart des pays d’Europe traversaient des difficultés d’approvisionnement.
Le bois était alors utilisé pour la construction et le chauffage, le développement industriel accompagna l’explosion de la demande domestique, renforçant la pénurie.
Cette pénurie fut résolue par un homme aux idées ingénieuses, Jean Rouvet.
En 1549, ce marchand parisien aurait organisé l’expédition des bois sur l’Yonne et la Seine.
Très vite, les verriers furent surnommés les “gouffres à feu”.
Les chiffres communiqués sur la consommation de bois sont effarants : 8000 stères de bois par an pour Hochberg, 11200 pour Meisenthal, 24000 pour Saint-Louis !
La fabrication du verre au Moyen Âge
Les premières créations en verre avaient une couleur verdâtre, d’où le nom de verre de forêt. Il ne deviendra incolore qu’à la fin du XVe siècle.
Les techniques de fabrication du verre au Moyen Âge étaient sommaires, les produits n’étaient pas encore moulés.
Les verriers fabriquaient des chopes en verre verdâtres accompagnées de différents cercles de verre indiquant pour chacun un niveau. L’usage du verre à boire était collectif, chacun buvait tout à tour.
Il ne faut pas confondre le verre de forêt avec le verre de fougère. Le verre de fougère apparu à la fin du XVIIe siècle, ce verre incolore avait généralement des parois très fines.
La fougère était un grand allié des verriers.
Lors de la fabrication du verre, afin d’abaisser la température du point de fusion, on ajoute des fondants. Il s’agit de soude ou de potasse.
La potasse est issue de la cendre de fougère, en abondance dans les forêts Lorraines. La qualité finale du verre dépendait grandement de celle des salins.
Le temps de fabrication de ces salins était considérable (récolte et séchage des fougères pendant 12 jours, brulées dans un récipient métallique, puis exposées dans un four de recuisson pendant 6 heures).
Les gentilshommes verriers
Lors de la guerre de Cent Ans, la verrerie connu un essor important.
La raréfaction de l’or et de l’argent poussa le roi Charles VI (1380 à 1422) à accorder des privilèges jusque là réservés à la noblesse.
En 1448, Jean de Calabre, gouverneur des duchés de Lorraine, octroya aux verriers une charte les assimilant aux nobles de races, leur accordant les mêmes droits.
Les souverains prirent conscience de l’importance de l’industrie du verre, et surtout de son potentiel. L’expansion des verreries en Lorraine releva énormément d’un enjeu stratégique initié par les différents souverains.
Ainsi, les artisans verriers “gentilshommes” portait l’épée. Mais ce n’est pas tout, ils avaient également le droit de pêcher et chasser. On leur accordait des parts de forêt, indispensable à leur activité. Ils pouvaient ainsi défricher et prendre tout le bois nécessaire à la combustion des fours, mais aussi à l’édification de leur maison et entrepôt.
Mais attention :
Au XVIIIe siècle, il y avait un arrangement avec les seigneurs. Un bail à terme était conclu entre les deux parties. Ainsi, le seigneur concédait souvent sur une durée de 30 ans le bois et le sable, à titre gratuit.
En retour, à la fin de ce bail, le verrier n’avait aucune certitude sur la propriété des bâtiments et installations qu’il avait construit. La verrerie de Meisenthal, fondée en 1702, est issue de ce type de contrat.
Un autre contrat, bien plus profitable au verrier, lui laissait la propriété de ses biens en échange du versement de 250 florins et d’un milliers de pièces de verre.
Pour la noblesse issue de robe et d’épée, cette qualification de gentilshommes verriers avait un sens de mépris.
Malgré sa pauvreté et sa précarité, le verrier pouvait être fier, seul habilité à souffler le verre.
L'évolution de la qualité du verre
Peu à peu, la qualité du verre s’améliora, les techniques avec.
Les premiers moules à bois “fermés” permirent de créer des pièces plus raffinées. Ensuite, une meilleure maitrise de la température des fours conduisit à une meilleure qualité.
Le bois comme combustible fut remplacé par la houille, les creusets triplèrent rapidement de volume. On prêta une attention particulière à la qualité des matières premières.
Ainsi, on vit apparaître les premiers verres à jambe, conséquence de l’influence des verreries vénitiennes et bohémiennes.
Le cristal fait son apparition en 1676 en Angleterre. Georges Ravenscroft décida d’ajouter de l’oxyde de plomb à la pâte de verre. Il obtient pour la première fois un verre d’une qualité supérieure, le cristal au plomb.
Le verrier était rémunéré au rendement
Afin d’accroître la productivité du verrier, les dirigeants des verreries du XIXe siècle décidèrent d’opter pour un mode de rémunération au rendement.
Cette nouvelle notion de “rendement’ s’explique par l’essor industriel, les avancés techniques et l’extension du marché du verre. La concurrence était rude.
C’est ainsi que les verriers se spécialisèrent.
Diviser le travail afin d’éviter toute perte de temps, une stratégie intervenue bien avant l’organisation scientifique du travail de Taylor pour l’usine Ford. Chaque verrier devait être formé de la meilleure méthode de travail possible.
Cette méthode de travail au rendement touchait toutes les étapes de fabrication, du travail à chaud au travail à froid. Très vite, les perdants et les gagnants sont désignés. Le verrier, perdant, rencontrait alors son pire ennemi qui allait sévir pendant plus de 100 ans.
Il fallait produire plus, et mieux !
Les malfaçons n’étaient pas payées, et il y en avait beaucoup à l’époque suivant les aléas de la fabrication: bouillons (bulles d’air), cordes ou cheveux d’ange qui courraient dans la matière, ou encore les cailloux, de minuscules grains de terre réfractaire.
Quoi qu’il en soit, les verriers travaillant pour Saint-Louis, Saint-Quirin et Saint-Anne (Baccarat) étaient bien rémunérés, presque trois fois plus que ceux qui oeuvrent en ville.
Aujourd'hui, comment devenir maître verrier et/ou souffleur de verre ?
Pour devenir maître verrier, la voie royale reste l’apprentissage aux côtés des meilleures verriers.
Le CERFAV (centre européen de recherche et de formations aux arts verriers), propose quatre formations en alternance étalées sur deux ans. L’objectif, maîtriser la technique, les règles de l’art, tout en ayant une connaissance approfondie des courants artistiques qui ont jalonné notre Histoire.
Au choix, CAP art du verre et du cristal, CAP art et technique du verre option décoration, CAP art et technique du verre option vitrail, CAP souffleur de verre option verrerie scientifique.
Il est ensuite conseillé de réaliser un BMA (brevet des métiers d’art), afin de se spécialiser comme souffleur de verre, ou comme dessinateur en arts appliqués option verrerie cristallerie.
Zoom sur le métier de fabriquant de vitraux
Les bréviaires du vitrail débutent au XIe siècle, il est fait mention de verreries en Argonne et dans le dans le Verdunois.
La Lorraine est alors un centre névralgique du vitrail en Europe, on y produit ce que l’on appelle “le gros voire”, un type de verre, point de départ à la fabrication du vitrail.
Il était fabriqué selon la technique dite du manchon. Il s’agit en réalité de grandes bouteilles cylindriques qui sont ensuite déroulées dans le but d’obtenir une plaque.
En 1950, le groupe Pilkington met au point une nouvelle technique appelée float glass, réduisant le coût de revient de 250% du m2. Cela consiste à étaler le verre fondu dans un four à bassin, sur un bain d’étain dans une atmosphère réductrice.
Pour en savoir plus sur la fabrication d’un vitrail, rendez-vous sur cet article.
5 maîtres verriers célèbres
Les maîtres verriers qui ont marqué l’histoire de la verrerie d’art sont tous issus de la même période : l’Art nouveau. Ce foisonnement décoratif s’accompagne d’une grande expansion économique. La verrerie d’art a pleinement profité de cet enthousiasme.
Antonin Daum
Responsable du département artistique de la manufacture Daum, ses créations en verre multicouche sont typiques de l’École de Nancy.
Les décors des vases Daum sont sublimés par une technique d’une grande qualité. Il sera l’un des premiers verriers à habiller le verre de lumière. Aujourd’hui, la manufacture Daum poursuit son activité à travers la création d’oeuvres en pâte de cristal.
Émile Gallé
Chef de file de l’Art nouveau, Émile Gallé est l’un des verriers les plus reconnus. Son oeuvre, aussi bien artistique que scientifique, a révolutionné les arts décoratifs. C’est un véritable emblème de la verrerie d’art Lorraine. Ses oeuvres de marqueterie sur verre sont des chefs-d’oeuvre que les collectionneurs s’arrachent.
À lire aussi : 22 faits surprenants de la vie d’Émile Gallé.
René Lalique
Créateur du bijou moderne, René Lalique est passé à égal talent de l’Art nouveau à l’Art déco. Joaillier innovant, il se consacrera au verre durant la deuxième partie de sa vie. Sa spécialité, le verre opalescent, satiné-repoli.
Aujourd’hui, le nom Lalique rayonne aux quatre coins du monde à travers les bijoux, la joaillerie, la décoration, l’architecture, les parfums, et enfin les Hôtels & Restaurants.
Muller Frères
Une fratrie de 10 enfants que fera la force de ces verriers. Le nom “Muller Frères” est une signature prestigieuse de la verrerie d’art. Formés par le grand maître Gallé, les frères Muller vont s’installer à Lunéville et Croismare où ils vont fonder leur propre cristallerie.
À lire aussi : La Succes story des frères Muller.
Legras
Terminons par Legras, artiste verrier de talent qui ne sera que très tard reconnu par ses pairs. Il sera à la tête d’une des plus grandes verreries de France, la verrerie de la Plaine Saint-Denis.
Son amour pour la nature s’illustrera dans ses futurs créations verrières, Legras s’inspire de la faune, de la flore, mais surtout des paysages forestiers qu’il aime tant.
À lire aussi : Vrai ou faux vase Legras ?
9 réponses
Ancien verrier de la cristallerie royale de champagne à bayel, j’ai travaillé 45 an, de très bon souvenir du travail du cristal.
Passionnant cet article qui nous apprend tant sur l’histoire de la fabrication du verre, puis du cristal, et sur les hommes qui ont fait prospérer cet art. Merci à vous.
Métamorphose du sable en pâte translucide ou parente, pour voir, croire, boire.
Descendante de plusieurs vieilles familles de verriers lorrains je possède des archives dont le livre original de voyage aux pays de nos ancêtres du comte d’Hennezel d’Ormois et mon grand père le comte de Massey….
ces familles se mariaient entre elle pour garder « leur secret du verre « avaient beaucoup d’enfants’ étaient pauvres mais chevaliers´ et souvent écuyers de roi …. très fière de mes prestigieux ancêtres qui quand ils utilisaient le bois de nos forêts replantaient les arbres après leurs prélèvements….sans doutes les plus belles forêts de France encore debout ….!!! Entre autre forêt de Darney
Merci d’avoir déposé ce précieux commentaire, nous allons compléter notre article !
Au plaisir,
Michaël
Bonjour 🙂Avez vous des précisions concernant la verrerie de Wildenstein ancienne Glashutte
(1699-1884) Merci !!
Bonjour Patrick,
Merci de votre commentaire. Je ne connais pas cette verrerie. Il est possible que je la découvre au fil de mes recherches, nous ne manquerons pas de faire un article afin de la présenter.
Au plaisir,
Michaël
Bonjour,
Je me lance dans les recherches sur l’histoire de la verrerie et je viens de tomber sur votre article.
J’ai quelques questions car en vous lisant je suis un peu perdu.
Vous nous affirmez que les verriers du Moyen Âge étaient des nomades, puis vous nous indiquez qu’ils construisaient des fours en dur, qui leurs servaient entre 12 et 15 mois. Ensuite, vous nous dites que les verriers déménageaient tous les 6 à 8 mois.
Est ce qu’il n’y aurait pas ici une incohérence ?
Vous nous parlez d’une condition précaire et d’un certaine pauvreté concernant les verriers du Moyen Âge et de la Renaissance, cependant vous n’hésitez pas à nous dévoiler qu’ils étaient soumis à des faveurs spéciales dû à leur activité (privilèges / charte augmentant leur rang et leurs droits / bail des parcelles sur 30 ans avec exploitation à titre gratuit du bois et du sable / etc).
Comment est ce possible ? N’y a t’il pas ici une méprise de considération dû au fait que l’on voit le Moyen Âge comme une période sale et misérable ? (Ce qui, dit en passant, est un énorme cliché).
Bonjour Jean,
Merci de votre commentaire. Ce sera un plaisir d’échanger et de partager vos recherches dans cet article qui ne demande qu’à être complété.
Nous avons modifié la date, en effet, en raison de la construction des fours, il semble que les verriers déménageaient tous les 12/15 mois.
Concernant leur condition, je pense que cette dernière était conditionnée à leur rang au sein de la verrerie.
Si vous avez des compléments, nous serons heureux de pouvoir les ajouter.
Au plaisir,
Michaël