Artiste de talent, chercheur, chef d'entreprise accompli, Georges Despret (1862-1952) est une figure majeure de l'art verrier relativement méconnue. Découvrons ses pâtes de verre conservées au Petit Palais à Paris.
Issu d’une famille de maîtres de forges et de verriers, Georges Despret (1862-1952) est formé très jeune au métier du verre, pris sous l’aile de son oncle, Hector Despret.
Industriel verrier, Hector Despret est le capitaine et fondateur des Manufactures de glaces situées près de Maubeuge. Il voit en Georges le candidat idoine afin de reprendre le flambeau familial.
À seulement 22 ans, Georges Despret est nommé directeur des Glaceries de Jeumont
Hector Despret décède le à l’âge de 62 ans.
C’est tout naturellement son neveu, Georges Despret, qui lui succède à la tête des Glaceries de Jeumont.
Âgé de seulement 22 ans, Georges Despret est encore étudiant à l’École spéciale des mines et des arts et manufactures de Liège, promis à une brillante carrière d’ingénieur.
Prenant son rôle très à coeur, il va vite s’imposer comme un tacticien hors pair. Treize années plus tard, en 1897, Georges Despret exporte la production de la manufacture qui s’ouvre à l’international : glaces, miroirs, dalles et revêtements en pâte de verre traversent l’Atlantique.
Le succès, considérable, lui permet de s’agrandir. Insatiable, il achète les manufactures concurrentes : Recquignies, puis Boussois en 1903.
La production, à son apogée, atteint même les quatre tonnes de verre par jour !
Audacieux, perfectionniste, il rivalise même avec Saint-Gobain qui a longtemps bénéficié d’un monopole dans le marché de la glace. Ses nombreuses innovations techniques l’amènent à déposer de nombreux brevets, qui joueront un rôle essentiel pour l’industrie verrière.
Ce n’est pas tout.
Georges Despret a également des considérations artistiques.
Il décide alors de se lancer dans la course d’une matière oubliée, un vieux rêve de nombreuses générations antérieures et chercheurs qui s’y essayèrent en vain, la pâte de verre …
L'Exposition universelle de 1900 révèle publiquement ses premières pâtes de verre
À l’aube du XXe siècle, cette nouvelle matière fascine un grand nombre de verriers, mais peu connaissent toutes les subtilités de sa mise en oeuvre …
Et pour cause, il n’existe pas d’écrit, ni manuel d’explication. Il faut innover, créer une nouvelle technique de fabrication, certainement différente de celle utilisée lors de sa découverte il y a 3000 ans avant J.C (en savoir plus sur l’histoire du verre).
En 1900, la création bat son plein, les plus beaux chefs-d’oeuvre verriers français sortent des fours : opaline, cristal doublé couleur, gravure à l’acide, marqueterie …
Dans les vingt-cinq années qui précèdent la Première Guerre mondiale, l’art du verre connaît en France un essor prodigieux.
Cette période d’intense renouvellement décoratif se caractérise par la volonté de mettre en avant le savoir-faire d’excellence, c’est l’Art Nouveau.
Le foyer artistique Lorrain se démarque avec brio au sein de la verrerie d’Art : Émile Gallé, Antonin Daum ou encore les frères Muller en sont les plus belles illustrations.
Cependant, Georges Despret n’est pas Lorrain. Belge de naissance, il est naturalisé français à 19 ans, le
Il est l’un des premiers à mettre au point une nouvelle technique de fabrication, en totale indépendance et sans rien connaître des travaux d’Henry Cros, qui en 1884, expose à la Société de l’art français un médaillon en pâte de verre.
Suivez ce lien pour en apprendre davantage sur cette matière.
Tout commence en 1890 lorsqu’il réussit à produire des masques de personnages historiques en pâte de verre, au sein de son usine de Jeumont. Il s’entoure alors de sculpteurs et dessinateurs tels qu’Yvonne Serruys et Gérard Nicollet.
Cette technique verrière est fascinante. Elle impose à l’artiste verrier d’avoir des compétences sculpturales : la pièce est d’abord réalisée en cire faisant office de modèle pour la création du moule en plâtre.
À la différence d’Henry Cros, Georges Despret crée des oeuvres présentant en surface un aspect lisse et poli.
Son oeuvre artistique est brutalement interrompue par la Première Guerre mondiale.
Même si les pâtes de verre sont le coeur de son oeuvre artistique, il ne faut pas oublier que Georges Despret a également réalisé une production de verre soufflé décoré aux pigments intercallés, sous les rivages de l’Art déco, qui illustre la diversité de sa production.
Cet artiste est à tord méconnu du grand public.
Cela s’explique par le manque d’archives et d’oeuvres qui ont été pour la majorité détruite lors des bombardements occasionnés durant la Première Guerre mondiale.
En effet, lors de la guerre 14-18, une grande partie de ses manufactures est endommagée.
L’heure est à la reconstruction, l’énergie qu’il y consacre ne lui permet pas de poursuivre son violon d’Ingres. Il abandonne définitivement sa production en pâte de verre, laissant derrière lui très peu d’oeuvres …
« Georges Despret offre une importante collection de ses œuvres au Musée communal de Jeumont. Mais la guerre des 1914-1918 détruit ce musée et endommage gravement ses usines. Trop occupé à restructurer son entreprise, Georges Despret abandonne la fabrication de pâtes de verre. Celles qui ont survécu aux désastres sont fort rares, hélas ! Presque toutes non signées »
Christophe Garland du blog leverreetlecristal.wordpress.com Tweet
Rendez-vous au Petit Palais à Paris
En 1912, Georges Despret fait don de quarante-six oeuvres en pâte de verre à la Ville de Paris.
Elles sont actuellement exposées au Petit Palais, avenue Winston Churchill.
LE POISSON BONDISSANT, Georges Despret avant 1906
Prolifique dans l’art japonais, les carpes bondissantes sont symbole de courage et de force.
Cette représentation de Despret expose le combat incessant du poisson qui s’épuise à vouloir respirer. Difficile de déterminer la fonction de cette pièce, est-elle purement décorative ?
BUSTE DE SATYRE IVRE, Georges Despret vers 1909
Sources : Poèmes de cristal, Dominique Morel