Fondée en 1970, la Compagnie Française du Cristal regroupait un nombre important de verreries. Il était impératif pour le secteur de s'unir afin de surmonter l'une des plus graves crises jamais rencontrée.
La crise des années 1930 marque la fin de l'apogée pour les cristalleries françaises
Afin d’identifier les raisons de la création de la Compagnie Française du Cristal, il est important de revenir sur la période de prospérité incontestée de l’industrie verrière.
Le début des années 1900 marque l’apogée de la verrerie Lorraine, suite au succès des oeuvres présentées à l’Exposition universelle organisée à Paris.
Les principales revues d’art ne sont pas en manque d’éloges, saluant le travail de René Lalique et d’Émile Gallé :
« Ces deux noms résument nos plus chères admirations et nos meilleurs espoirs. »
Roger Marx, dans la Gazette des beaux-arts Tweet
Gustave Geffroy, autre critique d’art reconnu, admire le travail présenté par les verriers :
« Dans la section du verre, le beau talent de poète de M. Henry Cros est consacré à nouveau par le bas-relief en pâte de verre colorée élevé à la gloire du Feu ... Dans la même donnée d'art, nous avons la surprise d'oeuvres nouvelles de M. Dammouse, qui ajoute à ses grès de beaux vases en pâte de verre, massifs de formes et de décors légers ... »
Gustave Geffroy, lors de l'Exposition universelle de 1900 Tweet
La grande gagnante est la verrerie artistique, soufflée ou moulée, sublimée par une myriade de techniques verrières des plus complexes : marqueterie, taille, gravure, dorure, décor à l’acide …
Cette verrerie est celle d’Émile Gallé, d’Antonin Daum ou encore d’Amalric Walter …
Au tournant du siècle, les capacités de production de chaque verrerie tournent à plein régime.
Que ce soit les petits ateliers, où les grandes manufactures, la demande est soutenue. Le succès de l’Art nouveau et du naturalisme rénove le cadre de vie.
La Belle Époque et ses nombreux progrès sociaux, économiques et technologiques profitent pleinement aux verriers, comme en atteste ces chiffres :
- La cristallerie de Baccarat emploie plus de 2400 ouvriers
- Vallérystal s’illustre d’une puissante force ouvrière, avec plus de 1300 hommes
- La cristallerie royale de Saint-Louis emploie quant à elle plus de 2000 employés
À l’aide de cette prolifique masse de travailleur, les volumes de production sont alors particulièrement élevés, inaccessibles aujourd’hui …
Cependant, cet âge d’or ne tarde pas à montrer quelques signes de fatigue.
La crise économique et financière frappe le monde entier. Le jeudi noir, comme on l’appelle, intervient le 24 octobre à la bourse de New-York.
Ce jour marque le début de la Grande Dépression, l’une des plus grandes crises du XXe siècle.
Cette crise boursière, caractérisée de systémique, va se propager dans le monde entier, touchant tous les secteurs.
L’industrie verrière n’échappera pas au marasme économique.
- Alors que Vallérysthal employait plus de 1300 salariés en 1905, elle n’en a plus que 900 en 1931.
- Alors que Portieux employait plus de 1000 salariés en 1905, elle n’en a plus que 300 en 1981.
S’ajouteront à la crise économique les mouvements sociaux, essentiellement organisés autour du mouvement ouvrier.
La situation s’empire, malgré la création de la cristallerie de Hartzviller, engendrée par ces mêmes mouvements sociaux.
Ce n’est pas terminé.
Le 3 septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne.
Lors des combats, des unités de production sont détruites (Meisenthal), d’autres sont fermées à l’instar des ateliers Daum.
Pire encore, certaines manufactures font office de prison. C’est le cas à Baccarat, où, le 17 juin 1940, l’usine est envahie par l’ennemi pour y entasser plus de vingt mille prisonniers français.
La demande s’en trouve profondément modifiée. Les besoins ne sont plus les mêmes.
La verrerie d’art passe pour un temps aux oubliettes. La demande en verrerie utilitaire est particulièrement soutenue durant l’effort de guerre.
Il faut produire plus, à moindre coût, le plus vite possible.
C’est ainsi les bréviaires de la verrerie mécanique.
Il faut faire face à une concurrence multiple des Arts de la Table et s'adapter à la verrerie mécanique
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’heure est à la reconstruction.
Le marché de la verrerie a subi de profond changement. Suite aux innombrables destructions, la demande en verrerie mécanique se renforce.
Il faut alors moderniser son outil de production le plus rapidement possible. Un grand nombre de verreries, ne faisant pas preuve d’adaptabilité, fermeront définitivement leur porte.
Pour les autres, le pari est risqué. La concurrence se fait de plus en plus rude avec la production étrangère, notamment allemande.
Sans oublier l’émergence du plastique, qui donnera du fil à retordre à la verrerie de Meisenthal, le spécialiste historique de la fabrication de boules de Noël en verre, peu à peu remplacées par celles en plastique, bien moins onéreuses …
Nous vous conseillons vivement de visiter Meisenthal, afin de découvrir ses verriers en action.
La transition sera parfois difficile.
Portieux en sera l’un des plus tristes exemples.
Cette verrerie, véritable force ouvrière, débute une production mécanique en 1948, en installant un four à bassin.
Ce dernier sera abandonné en 1955, la production mécanique avec.
Cette transition de la verrerie artistique vers la verrerie mécanique se conclut par un échec.
Le paysage Lorrain perd peu à peu sa force ouvrière et ses usines à feu.
Ces mêmes maîtres verriers, qui depuis 500 ans, transmettent leur savoir-faire aux générations futures, se retrouvent sans emploi.
Les faillites en cascade imposent aux décideurs du secteur de trouver une solution, ensemble, afin de sauver le savoir-faire des cristalleries françaises.
Il faut faire vite. Clairey mets fin à ses activités de taille et de décor en 1953, Meisenthal ferme définitivement en décembre 1969 …
La route du cristal en Lorraine perd peu à peu ses joyaux …
1970, les cristalleries tentent de s'unir en créant la Compagnie Française du Cristal
L’heure est à l’union.
Malgré une période de croissance économique des plus intenses, les Trente Glorieuses n’auront pas permis à l’industrie verrière de relever la tête.
Malgré un contexte économique propice, les années 1980-90 s’annoncent difficiles, marquées par un changement dans les habitudes de consommation.
Quelles en sont les explications ?
Les listes de mariage, représentant autrefois une large part d’activité des cristalliers, sont en net recul.
Aujourd’hui, les services de verre ont été remplacés par un pot commun au voyage de noces.
Les défis rencontrés par les manufactures sont multiples :
- Trouver le juste équilibre entre mécanisation et tradition.
- Pourvoir investir dans le capital de production. L’entretien et l’acquisition de nouvelles lignes de production, tenant compte des progrès techniques, nécessite des investissements importants, insoutenables pour certaines verreries, à moins d’être détenue par un grand groupe, assurant une sécurité financière.
C’est ainsi qu’est fondée en 1970 la Compagnie Française du Cristal (C.F.C.), réunissant les verreries de :
- Fains-les-Sources
- Bayel
- Vallérysthal
- Portieux
- Vannes-le-Châtel
- Daum France
Malgré cette union, la Compagnie Française du Cristal déposera le bilan le 18 décembre 1981, rendant incertaine la situation future de 1350 salariés.
La Compagnie Française du Cristal ne possédait alors plus que trois usines dans l’est de la France, à Bayel (Aube), Portieux (Vosges) et à Vannes-le-Châtel (Meurthe-et-Moselle).