Bernard Palissy est un grand artiste céramiste de la Renaissance, connu pour sa fidélité à la foi protestante. Né à Saint-Avit dans le diocèse d'Agen, il voue une véritable passion à la céramique et au travail de la terre. Découvrez comment ce maître de la faïence émaillée a révolutionné les pratiques céramiques.
Impossible de parler de l’art qu’est la céramique sans mentionner le travail de Bernard Palissy, un maître céramiste renommé de la Renaissance.
On le décrit comme un céramiste obstiné doté d’une force et d’une vitalité peu communes, devenu le protégé des rois de France.
Il s’est fait connaître en faisant brûler ses meubles dans son four afin de réaliser ses fameux plats émaillés.
Pour bien comprendre comment faire de la céramique, prenez le temps de découvrir le parcours et l’histoire de ce célèbre céramiste français.
D’abord, où est né Bernard Palissy ?
Bernard Palissy est un artisan aux multiples casquettes. En effet, il est à la fois peintre, savant, écrivain, maître verrier et émailleur français.
C’est un homme issu du peuple, doté d’une personnalité fascinante, longtemps persécuté pour sa foi reformée.
On connaît peu de choses sur la jeunesse de cet artiste faïencier français. Mais selon les registres d’écrou tenus lors de ses nombreuses condamnations à Bordeaux et à Paris, Bernard Palissy est né vers 1510 à Saint-Avit, un hameau de Lacapelle-Biron, dans la haute vallée de la Lède, situé aux confins de la Dordogne et du Lot-et-Garonne.
Il vient d’une famille modeste, son père était un peintre sur verre.
L’histoire de Bernard Palissy en tant que grand céramiste français
En 1530, Palissy se penche sur la technique de cuisson des émaux. Tout a commencé lorsqu’il fait la découverte d’une coupe de céramique émaillée blanche dans la collection d’un grand seigneur.
La vue de ce vase d’une grande beauté lui cause une telle surprise qu’il n’a plus de cesse que de retrouver le secret de sa conception.
Certains historiens supposent que cette coupe de céramique était une majolique italienne, ramenée d’Italie par son ami d’enfance et ambassadeur à Ferrare, Antoine de Pons.
Pour d’autres, cette pièce de céramique pourrait être une porcelaine chinoise. Il pourrait aussi s’agir de faïence de Saint-Porchaire.
L’ignorance de sa composition incite Palissy à percer le secret de fabrication de cet émail blanc. Alors, il s’est mis à apprendre les bases de la poterie traditionnelle saintongeaise dans les poteries proches de La Chapelle-des-Pots.
Peu avant 1539, le jeune homme se forme au métier de peintre verrier et fait le traditionnel tour de France des compagnons.
Rapidement, il se marie et se fixe à Saintes. Il délaisse ensuite le verre pour l’art de la terre et entame ses recherches passionnées (pendant une vingtaine d’années) sur la maîtrise des émaux.
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Pourquoi Palissy a brûlé ses meubles ?
Étant père de six enfants (trois garçons et trois filles), Palissy se devait de subvenir aux besoins de sa famille tout en poursuivant ses recherches sur les émaux.
Toutefois, les matières premières nécessaires à ses travaux étaient extrêmement onéreuses.
Pour percer le secret de l’émaillage, ce céramiste obstiné est même allé jusqu’à brûler les tables et le plancher de sa maison pour alimenter son four, si l’on croit ses écrits.
Heureusement, son avenir s’éclaircit lorsque François Ier roi de France créa un nouvel impôt sur les gabelles. Palissy est alors embauché pour procéder aux relevés des marais salants sur le littoral charentais ce qui occasionne une rente confortable. Il pouvait ainsi reprendre ses expériences sur la céramique.
Malgré de nombreux essais infructueux, il réussit finalement à mettre au point l’émail blanc en 1545.
Par la suite, il s’est lancé dans la construction de son propre four pouvant atteindre les températures de 1200 et 1300 degrés. En 1549, le jeune homme est à même de reproduire la fusion de l’émail.
En parcourant les marais salants de Saintonge, il est aussi vite séduit par la faune aquatique et s’en est inspiré pour la déco de ses plats.
Lors de ses recherches, le céramiste français découvre par la même occasion les fossiles qui attirent tout particulièrement son attention.
En 1546, Palissy se convertit au protestantisme à Saintes
En 1546, lorsque le prêcheur Philibert Hamelin est venu prêcher la réforme, Palissy se convertit au protestantisme.
En 1555, Palissy réside quelque temps à Fontenay-le-Comte tout en étant responsable d’une communauté réformée à Saintes.
Ayant vécu à l’époque des Guerres de religion en France, Bernard Palissy était emprisonné à plusieurs reprises par les autorités catholiques. Le premier était en 1558 sur ordre du Parlement de Bordeaux.
En 1568, il est finalement relâché grâce à l’intervention du connétable Anne de Montmorency.
A la suite d’un exil à Sedan (de 1572 à 1574), cet autodidacte revient à Paris pour donner des cours publics d’histoire naturelle. Il en profite pour travailler dans son atelier des Tuileries en vue de réaliser des médaillons de terre cuite émaillées et de la vaisselle en reproduisant minutieusement des animaux et des plantes.
En 1586, il est arrêté à Paris comme huguenot sur ordre de la Ligue, toujours à cause de ses convictions religieuses, puis finalement relâché.
Après l’Edit de Nemours qui a causé la huitième guerre de religion, Palissy est de nouveau arrêté en 1588 et condamnée à mort. Après avoir fait appel, sa peine se transforme en prison à vie.
Où est mort Palissy ?
Initialement emprisonné à la Conciergerie, Bernard Palissy est transféré à la Bastille pour refus d’abjurer.
C’est là que l’artiste céramiste décède en 1590 vraisemblablement victime de mauvais traitements ou de la faim. Son cadavre a ensuite été jeté aux chiens.
Palissy et son plat à décor de rustiques figulines
Après avoir acquis la maîtrise des émaux, Palissy réalise la vaisselle qui a fait sa renommée à partir de 1555.
Il s’agit des « rustiques figulines », de grands plats décorés d’animaux et de végétaux en relief et moulés sur nature : des écrevisses, tortues, lézards, grenouilles, serpent lové, etc.
Grâce à son œuvre, ce céramiste de génie attire l’attention de personnages importants dont le duc de Montmorency. Ce dernier lui a d’ailleurs demandé de réaliser une grotte rustique pour son château d’Ecouen.
Vient ensuite la reine mère Catherine de Médicis en 1557 qui commande la même chose dans le cadre d’un projet d’embellissement du jardin des Tuileries.
Ce travail artistique le rendra célèbre et lui vaudra ensuite d’intervenir dans d’autres châteaux comme ceux de Reux (en Normandie), les châteaux de Chaulnes et de Nesle (en Picardie) ou encore de Chenonceau (en Touraine).
Au fil des décennies, les bassins rustiques de Palissy sont finement reproduits par ses disciples. Ce sont des plats de forme ovale qui semblent reproduire la carapace d’une tortue. Les fonds sont incisés pour imiter l’eau ou sculptés pour ressembler à un rocher.
Des effets de texture sont ensuite réalisés pour restituer avec précision les écailles des animaux. Enfin, le tout est recouvert de glaçures brillantes afin de donner vie aux éléments moulés.
Lors de l’aménagement du Grand Louvre, des campagnes de fouilles au XIXe siècle ont permis de retrouver des traces de l’atelier des Tuileries de Palissy à Paris et près de 15000 fragments de poterie authentiques.
Aujourd’hui, ce type de vaisselle se trouve dans plusieurs musées français et anglo-saxons, mais aussi dans des expositions privées. Vous pouvez notamment admirer des échantillons de ses figulines au musée du Louvre, au musée du Limoges ou à l’hôtel Cluny.
Bernard Palissy en tant que philosophe et savant français
Au-delà d’être un céramiste de renom, Bernard Palissy était aussi un savant et un homme de science. Il était connu pour ses aptitudes de raisonnements scientifiques novateurs pour son époque.
Baptisé de Léonard de Vinci français, c’est l’un des rares savants à réussir à interpréter correctement la nature véritable des fossiles.
Dès 1563, il réussit à formuler les notions de base de la paléontologie scientifique. Selon lui, « les fossiles sont des organismes vivants disparus, la mer recouvrait des terres actuellement émergées, les couches fossilifères sont anciennement des dépôts marins et les fossiles découlent de la pétrification de coquillages » (Néraudeau et al. 2013).
Palissy possédait même un cabinet de curiosités pour réunir les preuves des faits au sujet des fossiles. On le reconnaît pour son approche en contact direct avec la réalité contrairement aux philosophes qui trouvaient leur science dans les livres en latin.
Selon ses dires « je n’ai point eu d’autre livre que le ciel et la terre, lequel est connu de tous et est donné à tous de connaître et lire ce beau livre ».
Son unique souhait était que les livres scientifiques soient rédigés ou traduits en français pour être accessibles à tous.
Palissy en tant qu’écrivain reconnu
Maître céramiste, émailleur, peintre, savant, mais également grand écrivain français, Palissy a aussi laissé son empreinte sur le métier.
En 1563, l’ouvrage intitulé «l’Architecture et ordonnance de la grotte rustique de Monseigneur le duc de Montmorency » a été publié.
La même année paraît un ouvrage tout aussi passionnant mêlant considérations religieuses, agricoles et personnelles, intitulé la « Recepte véritable, par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs trésors ». Cet ouvrage a été publié à la Rochelle après la sortie de prison de Palissy.
En 1580, c’est le tour de son ouvrage, regroupant toutes ses observations scientifiques, d’être publié : les « Discours admirables de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres et du feu et des émaux, avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles».
Collèges, lycées, écoles, espaces, rues…Beaucoup d’établissements rendent aujourd’hui hommage à Palissy
Aujourd’hui, vous pouvez trouver un grand nombre de monuments et d’établissements qui portent le nom de Bernard Palissy tels que :
- L’Ecole élémentaire publique Bernard-Palissy (Joinville-le-Pont)
- L’Ecole primaire publique Bernard-Palissy (Malicorne-sur-Sarthe)
- Le Collège Bernard-Palissy (Paris)
- Le Collège et lycée Bernard-Palissy (Boissy-Saint-Léger)
- L’Ecole Bernard-Palissy (Mantes-la-Jolie)
- Le Groupe scolaire Bernard-Palissy (La Rochelle)
- Le lycée Bernard-Palissy (Gien)
- Le Lycée général Bernard-Palissy (Saint-Léonard-de-Noblat)
- Plusieurs rues ont emprunté son nom à Tours, à Tarbes, à Limoges, à Paris, Roubaix et dans d’autres communes françaises.
- L’avenue Bernard-Palissy à Saint-Cloud (en Hauts-de-Seine)
- La base Palissy (une base de données fondée en 1989 sur le patrimoine mobilier de France)
- Le musée Bernard-Palissy de Saint-Avit
Venez contempler les œuvres de Bernard Palissy au musée national de la Renaissance
Depuis 1987, tous les objets provenant de l’atelier parisien de Bernard Palissy sont entreposés dans le château d’Ecouen. Un inventaire complet a été réalisé avant leur présentation aux visiteurs dans l’une des salles du château.
Parmi les œuvres les plus remarquables, on peut citer la vaisselle représentant le Christ qui lave les pieds de Simon Pierre ou encore les sculptures (comme la porte-lumière en forme de chimère).
Au XXe siècle, le style de Palissy se réinvente en s’adaptant aux tendances contemporaines de l’Art nouveau et de l’Art déco.
En somme, Bernard Palissy est un céramiste d’exception, avec une profonde admiration pour la nature et pourvu d’immenses connaissances dans plusieurs domaines. Découvrez la passion et le savoir-faire inégalable de cet artiste à travers ses œuvres assez singulières et atypiques exposées dans les musées français.
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