Benjamin Vautier, dit « Ben » : un adieu tragique

La nouvelle est tombée cette nuit dans le monde de l'art contemporain. Benjamin Vautier dit "Ben", s'est éteint dans la nuit du 5 juin, à l'âge de 88 ans. Retour sur le parcour de ce grand artiste.

Son corps a été retrouvé à son domicile de Nice, laissant ses admirateurs et le monde culturel dans la tristesse.

Le maire de Nice, Christian Estrosi, et la ministre de la Culture, Rachida Dati, ont exprimé leur profonde émotion face à la disparition de cet artiste emblématique.

Crédit photo : Par Olivier Meyer — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=76253215

Un parcours marqué par les mots et l'écriture

Né en 1935 à Naples, Ben était un artiste d’origine suisse, dont la vie et l’œuvre ont été profondément marquées par son obsession des mots.

Sa calligraphie distinctive, naïve mais percutante, orne depuis des décennies toutes sortes de supports, de fournitures scolaires aux murs de galeries d’art.

Après avoir voyagé à travers l’Europe durant son enfance, Ben s’installe à Nice en 1949, une ville qui deviendra le berceau de son art.

De libraire à membre de l'École de Nice

Dans les années 1950, Ben travaille comme libraire, papetier et disquaire.

C’est dans ce contexte qu’il commence à dessiner et à écrire des poèmes, trouvant dans les mots un moyen d’exprimer ses réflexions et ses émotions.

Sa librairie devient rapidement un lieu de rencontre pour les artistes émergents, notamment ceux qui formeront l’École de Nice, un mouvement artistique influent.

Ben se lie d’amitié avec Yves Klein et s’immerge dans le Nouveau Réalisme, une avant-garde artistique prônant une nouvelle vision de l’art. Il est convaincu que l’art doit être innovant et provoquer un choc, une idée qu’il explore avec le mouvement Fluxus dans les années 1960.

Ce collectif international, influencé par Dada et Marcel Duchamp, défend l’abolition des frontières entre l’art et la vie, et entre les différentes disciplines artistiques.

Une œuvre ancrée dans le doute et l'appropriation

Le doute est au cœur de l’œuvre de Ben. En 1965, il ouvre une galerie intitulée « Ben doute de tout », un espace dédié aux jeunes artistes innovants.

Sa démarche artistique repose sur la notion d’appropriation, où tout peut devenir art et où l’art peut se manifester de manière inattendue et provocante.

Au début des années 1970, Ben transforme sa maison à Nice en une véritable œuvre d’art, remplie de mots et d’objets reflétant son esprit inventif et souvent humoristique.

Cette maison est un symbole de sa philosophie artistique : l’art doit interpeller, questionner et même bouleverser.

Les œuvres de Ben sont présentes dans les plus prestigieuses collections du monde, du MoMA de New York au Centre Pompidou de Paris, en passant par l’Art Gallery of New South Wales de Sydney et le Stedelijk Museum d’Amsterdam. Son influence dépasse les frontières, touchant des générations de jeunes artistes et de passionnés d’art.

Sa collaboration avec la Maison nancéienne Daum

S’approprier le monde en tant qu’artiste a mené Ben à signer tout ce que la vie a pu mettre sur sa route : des simples passants à sa propre fille, en passant par les poules, les boîtes à mystère, sans oublier Dieu.

Cet amour universel et inconditionnel, Ben l’a décliné de multiples façons, mais une de ses œuvres les plus emblématiques reste celle réalisée pour Daum en 2005.

Un seul mot, d’une simplicité qui résonne comme une évidence : « amour ».

Cette collaboration avec Daum, célèbre manufacture de cristal, a donné naissance à une pièce unique, où le mot « amour » est gravé avec cette calligraphie si caractéristique de Ben.

Ce mot, bien que simple, porte en lui toute la profondeur et l’humanité de l’artiste. Il symbolise une connexion profonde entre l’art et l’affection humaine, une thématique omniprésente dans l’œuvre de Ben.