L'artisanat de tranchée, également appelé "Art du Poilu" ou "Art des tranchées", est une forme d'art populaire qui s'est développée pendant les périodes de conflit armé.
L’art des tranchées est une activité créative manuelle, pratiquée non seulement par ceux qui étaient directement impliqués dans les combats, mais aussi par ceux affectés indirectement par les conséquences de la guerre.
Souvent, ces objets étaient créés pour occuper le temps pendant les longues attentes dans les tranchées.
L'artisanat de tranchée en Lorraine
L’artisanat de tranchée, une forme d’art populaire, a débuté pendant la guerre de 1870 et a connu son apogée pendant la Première Guerre mondiale, puis plus tard dans les camps de prisonniers de la Seconde Guerre mondiale.
Les soldats en Lorraine, comme dans d’autres régions, ont utilisé les matériaux à leur disposition pour créer des objets artistiques et fonctionnels.
Cette activité est comparable à la tradition ancienne des marins qui créaient des objets gravés et sculptés à partir d’os de baleine et d’autres matériaux.
À l’hiver 1914-1915, avec le début de la guerre des tranchées, cet artisanat a connu un essor considérable.
En effet, les soldats, immobilisés et inactifs, disposaient d’une grande quantité de métaux provenant des douilles de munitions tirées sur l’ennemi.
Par exemple, rien qu’au mois de mars 1916, 3,75 millions d’obus de 75 mm ont été tirés dans le secteur de Verdun, et à la fin de 1916, le total s’élevait à plus de 60 millions d’obus tirés.
Cependant, malgré cet héritage historique, la législation moderne, notamment la loi française du 6 mars 2012, a apporté des complications.
Bien qu’elle ait contribué à neutraliser certaines munitions, cette loi a également classé sans distinction toutes les autres munitions, y compris les douilles d’obus gravées et transformées en œuvres d’art, comme des munitions de catégorie A3, soumises à des restrictions strictes.
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Matériaux et objets créés
Les matériaux disponibles comprenaient principalement des métaux provenant des douilles de munitions, des têtes d’obus à l’instar de cette douille à l’effigie de la croix de Lorraine et de l’équipement individuel, ainsi que du cuir, des tissus, de la pierre, et même de la paille et d’autres végétaux.
Le bois, facile à trouver et ne nécessitant qu’un outillage rudimentaire, était également un matériau de prédilection.
Les soldats créaient de nombreux objets de la vie courante tels que des briquets, des couteaux, des bagues, des boîtes à bijoux, des tabatières, des cannes, des objets de piété, des porte-plumes, des encriers, ainsi que des objets décoratifs comme des figurines militaires et des maquettes d’avions.
Certains soldats étaient des artisans très qualifiés dans la vie civile, tels que des orfèvres, des graveurs, des dinandiers ou des mécaniciens de précision.
Pour eux, retrouver les gestes de leur métier d’avant-guerre était une façon de garder leur humanité dans des circonstances extrêmement difficiles.
Certains de ces objets étaient fabriqués à l’arrière du front par des soldats blessés ou mutilés dans des ateliers organisés par l’autorité militaire.
Des écoles de rééducation et des associations, comme « Les Blessés au travail », certifiaient l’origine des objets vendus.
Après le conflit, certains objets ont été réalisés par des soldats restés sur les champs de bataille pour le déminage ou par des prisonniers de guerre, dans un but lucratif.
Ils étaient vendus aux touristes visitant les anciens champs de bataille dès 1919.
Des fouilles archéologiques récentes près d’Arras ont mis au jour un dépotoir d’atelier, révélant une chaîne de production d’étuis de protection de boîtes d’allumettes, de coupe-papiers et de boucles de ceinturons.
Les inscriptions en allemand gravées sur certaines pièces ont permis d’identifier leurs créateurs, des prisonniers affectés à la réfection de la ligne de chemin de fer Arras-Lens en 1919.
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Les briquets de la guerre
Les briquets de tranchée, aussi appelés briquets de poilu, étaient des outils créés par les soldats durant la guerre, afin de remédier aux problèmes posés par les allumettes, qui étaient moins discrètes et moins fiables.
Initialement, ces briquets étaient fabriqués à partir de matériaux tels que le laiton, le cuivre, l’aluminium ou le bois, et étaient conçus pour être purement fonctionnels.
Cependant, avec le temps, leur fabrication est devenue plus sophistiquée, intégrant des mécanismes d’allumage multiples et des gravures complexes, ce qui les a transformés en objets d’art, parfois même en véritables chefs-d’œuvre.
En raison de la diversité des métiers représentés au front, même un soldat peu habile pouvait demander à un camarade de réaliser une gravure complexe ou une commande spéciale.
Cela a contribué à l’évolution des briquets, qui sont passés d’objets pratiques à des trophées personnalisés, souvent ornés d’inscriptions commémoratives, de caricatures de l’ennemi ou d’images des proches des soldats.
De ce fait, les briquets sont devenus des symboles de fierté, des objets que les soldats montraient et utilisaient comme des rappels des expériences vécues au front.

Une activité de réhabilitation
Des écoles de rééducation et des associations ont été créées pour certifier l’origine des objets vendus.
C’était une manière de réhabiliter les soldats blessés, de les aider à retrouver un sens à leur vie et de leur permettre de subvenir à leurs besoins.
Signification de l'artisanat de tranchée
Ces créations ne témoignent pas seulement de l’habileté manuelle et de l’ingéniosité des hommes ordinaires.
Elles représentent également une protestation contre la laideur, la bêtise guerrière et l’absurdité du sacrifice.
Les motifs gravés et sculptés sur les douilles en laiton étaient souvent sentimentaux, patriotiques, légers ou décoratifs, reflétant ainsi les pensées et les sentiments des soldats qui les ont créés.
Aujourd’hui, l’artisanat de tranchée est un témoignage précieux de la vie dans les tranchées et de la manière dont les soldats ont cherché à préserver leur humanité dans des conditions extrêmement difficiles.